°*Madeleine de Proust, ou la nourriture des littéraires, fragments d'esprit éparpillé*°

Le Klaxon de train, ma madeleine de Proust

Le soleil brille, il joue à cache cache dans la salle, ses fragments s'emparent des murs blancs pour en faire des mosaïques attrayantes. Les positions des élèves varient, mais chacun exprime par son corps une lassitude qui emplit l'air et l'alourdit. La craie déchire le tableau en silence et les failles blanches ainsi créées agressent nos yeux de traits brutaux et nous rappèlent la dure réalité de l'omniprésence des mathématiques. Le professeur parle, les oreilles réagissent à peine à ce son qui depuis longtemps agit dans leur subconscient en déclenchant immédiatement cette attitude amorphe. La chaleur se propage doucement. Les feuilles sont légèrement soulevées par la brise. Rien. Calme. Plat.

Et là un bruit. Un appel au loin. Un Klaxon de train. Le train des souvenirs. Me saisit, embarquée, je saute, je plonge. Je me souviens.

La nuit, chez les grands-parents.
Le jour, dans les matins de départ.
Rêvassant, pensant au Monde comme une âme évaporée.
M'activant, traînant mes repères vers l'inconnu.
Tournant les pages d'un livre.
Montant les bagages dans les escaliers.
Et
Dressant l'oreille à ce bruit familier.
Qui chargé de toutes ces situations qu'il a enveloppé, qu'il s'est approprié,
Les restitue à sa propriétaire le temps d'une demi seconde,
Une demi seconde d'évasion
Une demi seconde de coupure
De rappels
De souvenirs
De regrets
De désirs
De joies
De peines

De matins merveilleux
De soirs évanescents
D'une main dans la fourrure d'un chat
D'un regard noyé dans le rouge profond et envoûtant d'une rose éclose
D'une balle jetée sur une table de Ping pong
D'un coup de balai dans le crépuscule
Du bruit des assiettes sur la terrasse depuis le jardin printanier
Une demi seconde qui renvoie aux sources
A ce qui fait le Moi

Prenant ainsi conscience de soi
Se redressant alors, se ressaisissant
Recouvre sa curiosité
Pétille d'imagination

Et se lève, fonce, vers la sortie, queue de cheval, sac à dos, manuels et calculatrice ballotés pêle mêle, la musique vibrant dans les oreilles, prête à Découvrir.

Et vous ? Quelle madeleine ? Un billet dessus ? Un coup de folie...

Comments

[FondantOchocolat]

Quel magnifique billet !! Beaucoup de tendresse et de justesse... Ma madeleine de Proust ? Oh il y en aurait tellement, mais je vais y réfléchir... C'est vrai que c'est une belle idée d'article !

[sheherazade2000]

très joli texte perrine, très inspirant :)

[Aline1102]

C'est très joli Perrine ! :-) Et j'aime bien ton début, où tu parles de la voix du prof de maths qui rend automatiquement les élèves amorphes : cela me rappelle les anecdotes que l'une de mes soeurs nous raconte parfois (celle qui est justement prof de maths).



Ma madeleine à moi, ce sont les bonbons Pecto que mangeait mon grand-père. Ils lui étaient interdits à cause de son asthme mais il en mangeait en cachette. Il m'en donnait toujours un. C'est peut-être à cause de ça que j'ai de l'asthme aussi ? :-) Je n'en ai plus mangé depuis qu'il n'est plus là, mais quand j'en vois, je me souviens de lui. De beaux souvenirs.

[milly123]

C'est tellement beau ce texte. Quelle Madeleine de Proust??? .... Peut-être ces temps-ci, comme je disais à Rose, les oiseaux du soir.. les merles. La première image qu'ils font naître, c'est lorsque mon père revenait de la cabane à sucre au printemps. Il devait être 4 heures de l'après-midi. Moi, je rentrais de l'école. J'associe très fort le chant des merles à ce moment précis.



Et dernièrement s'est ajouté une autre image. Il est environ 7 ou 8 heures et je suis dans le romans de Lucy Maud Montgormery ... Anne d'Ingleside.. je retrouvais dans mes souvenirs la même lumière de mon enfance dans ce roman..??? Chaque année à pareille date, en écoutant les merles, ces deux souvenirs me reviennent en mémoire! :)



Un billet doux Perrine!