En attendant Godot, Samuel Beckett (prix Nobel 1969)
Tout le monde connaît ce classique du théâtre de l'absurde, mais quant à l'avoir lu, et en entier, c'est différent.
Après tout, il ne s'y passe rien. Les deux vagabons, Vladimir et Estragon, errent sur le plateau et répètent inlassablement les mêmes gestes, puis sont rejoints par Pozzo et son esclave Lucky. Ils restent au même endroit, au bord d'une route plantée d'un arbre, et attendent Godot en vain. Si le texte est très facile d'accès, l'interprétation est multiple : vide de l'existence humaine, espoir vain, solitude de l'homme...
Ces 4 personnages ne sont pas vraiment touchants, car totalement interchangeables ; mais on s'y attache néanmoins, car à eux quatre, ils représentent l'humanité. Ainsi, tour à tour se rejetant et se cherchant, à travers des jeux de scènes incohérents, ils ont ce besoin de l'autre, qui nous caractérise aussi. Mais pour entretenir une relation avec autrui, le langage est indispensable ; ici, il est tourné en dérision : la parole permet de combler ce vide étouffant ; les répliques sont succintes et inutiles, le dialogue piètine, les personnages tournent en rond, à tel point que la pièce n'est qu'une boucle infinie.
Le message est tellement sombre, pessimiste, qu'à la lecture de cette pièce, j'ai été profondément ébranlée. Beckett, hanté par l'idée d'absurdité de l'existence inspirée de la Seconde Guerre Mondiale, ne fut que peu sensible au prix nobel que l'on lui décerna en 1969.
Sommes-nous de simples pantins, errant dans un monde sans repères, grotesques personnages sans but ? Je me refuse à le croire ; peut-être est-ce le véritable sens de l'existence (paradoxalement le non-sens), mais le savoir ne ferait que nous plonger dans une profonde dépression et nous oterait le goût de vivre.
Un texte particulièrement pessimiste et déstabilisant, qui nous renvoie brusquement face à nous-même.
Plaisir de lecture : 8/10